Des artistes franchissent les cadres et produisent de l’inattendu.
Le temps et l’espace sont deux conditions de la création artistiques et nécessitent un écart, celui de se placer en retrait du flux, infini, illusoire, et travailler la différence, la place de l’autre.
Préserver le temps et l’espace du regard, c’est penser le temps et l’espace de la fabrication et de la représentation, là où s’inventent des formes et des récits, dans un environnement où la vitesse transforme les pratiques et le regard sur les images.
Lors de ce temps fort de réflexion, nous avons justement pris le temps de penser les mutations techniques et esthétiques, d’interroger la rencontre entre faiseurs et apprenants à la lisière de leurs pratiques, et de nous plonger dans la création.
Voici des artistes qui adressent un écart et travaillent la place de l’autre, avec ingéniosité.
Fresh and Fading Rooms
Autour de Fresh and Fading Rooms de Diego Ortiz, nous avons évoqué les potentialités de cette nouvelle manière de raconter des histoires avec l’utilisation des écrans mobiles.
Ce dispositif interactif favorise l’émergence de situations de fiction déclenchées par le public : Frédéric Alemany, invité à réagir sur ce dispositif en lien avec sa propre démarche artistique et les missions du Hublot (Nice), a décortiqué la manière de se situer réellement entre une expérience intime et collective.
Que convoque la mobilité dans nos imaginaires, dans nos pratiques, dans nos récits ? Le numérique s’impose partout et nous nous retrouvons, tous, à faire usage d’un ensemble d’outils accessibles, puissants, re-définissant les limites entre l’intime et le publique, ouvrant de nouvelles possibilités de création et des espaces-temps de sociabilité inédits. C’est notre rapport aux autres, au monde et à nous-même qui s’en trouve changé.
Contexte technologique des écrans mobiles
Les écrans mobiles, hybridation du téléphone portable et des ordinateurs, ont su se rendre indispensables et peuplent aujourd’hui notre quotidien. La nouveauté de ces machines numériques font maintenant partie intégrante de l’ensemble technique numérique qui caractérise notre époque.
Les écrans mobiles présentent des spécificités techniques qui leur sont propres et qu’il convient d’explorer au-delà de leurs usages préconçus. Les champs du design et des pratiques artistiques de l’interactivité sont particulièrement propices à cette exploration.
« A l’aide des nombreux capteurs qu’ils embarquent, les écrans mobiles permettent d’interagir avec les médias qu’ils diffusent à travers leur manipulation : ils sont leur propre périphérique de contrôle. Il est aujourd’hui possible de produire des œuvres qui peuvent tirer partie des capacités des écrans mobiles tout en étant exécutables sur d’autres formes d’appareils. Une nouvelle forme de mobilité apparaît aujourd’hui : celle des œuvres interactives à travers la variété contemporaine des supports numériques. Il s’agit de conférer aux créations interactives une capacité à s’exécuter et à s’offrir à l’expérimentation du public sur différents appareils tout en s’adaptant à leurs particularités techniques. »
Diego Ortiz/Flux(o) – Mobilizing, 2015
L’art de s’égarer ou l’image du bonheur de Marie Losier et David Legrand – La galerie du cartable – Triennale de Vendôme 2015
David Legrand de La galerie du cartable (Bourges), a été interpellé sur le fantasme du cinéma, quand le cinéma contemporain re-devient un art forain.
Il faut revenir aux sources pour re-partir sur d’autres liens à entretenir avec l’autre : le personnage, l’équipe, le spectateur et faire oeuvre commune. A partir du spectacle cinématographique, quel rapport avec le public ont-il inventé ? Quel rapport avec la production ont-ils bouleversé ?
L’installation sous la forme d’un cinéma en kit (plateaux de tournage et salle obscure), L’art de s’égarer ou l’image du bonheur, conçue avec Marie Losier pendant la Triennale de Vendôme en 2015 absorbe la création en son entier, de la naissance d’une idée à la diffusion de la réalisation, en passant par des ateliers de pratique, le tournage, la post-production, la production… Elle se situe entre une fabrique de l’acteur excentrique et un atelier du figurant pour créer un bien commun, partir dans un imaginaire filmé sur un plateau de tournage avec de multiples trucages et réaliser en direct-live des scènes qui mélangent les formats, les personnages, les figures, les décors, les genres…, pour de surprenantes productions cinématographiques.
Cette œuvre est un bien commun qui permet aux habitants de s’immerger dans la création au travers du travail des artistes.
Installations cinématographiques d’Emmanuelle Nègre
Emmanuelle Nègre est revenue sur l’image manquante. Contrairement à une diffusion au cinéma, pour laquelle le point de vue est toujours fixe, ses installations prennent pleinement sens en fonction du déplacement du spectateur. Leur propre espace active l’espace filmique.
Est-ce une bonne nouvelle de Christian Barani
Christian Barani a détaillé son engagement passé, au sein du collectif Est-ce une bonne nouvelle ?, à montrer et remontrer des vidéos, médium démocratique, en suscitant le désir de voir. Le film d’artiste a trouvé des pistes de circulation directement en mise en relation avec public. La culture reste un moyen pour se rencontrer, en re-créant des espaces de rencontres, de débats, d’expression…
Cette expérience se perpétue aujourd’hui avec les nouveaux outils au sein de l’espace Khiasma (Les Lilas, 93).